Françoise Vergès, née à la Réunion, est docteur en sciences politiques de l’université de Berkeley (Californie), professeur au Goldsmiths College (université de Londres). Elle a aussi été co-directrice culturelle de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise, et vice-présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage. Elle est l’auteur de travaux sur les dimensions politiques, culturelles et sociales de l’esclavage et du colonialisme, ainsi que sur l’art contemporain. Livres parus : un livre d’entretiens avec Aimé Césaire, Nègre je suis, nègre je resterai (Albin Michel, 2005), et un essai, La mémoire enchaînée : questions sur l’esclavage (Albin Michel, 2006), couronné la même année par le prix Seligmann contre le racisme.
Nègre : le mot ne peut se dire, s’énoncer sans qu’immédiatement résonne ce qui l’accompagne, l’histoire de l’invention des races et de leur inégalité. Celui qui est ainsi nommé ne se fait aucune illusion : on cherche à l’insulter, à l’humilier, à lui rappeler une filiation infamante. Celui qui prononce le mot sait ce qu’il fait : il inscrit celui à qui il s’adresse dans la prison de la race. Le mot est tellement chargé de mépris qu’il a rendu pratiquement impossible toute utilisation subversive.
_Préface, Nègre