Raffi, de son vrai nom Hakob Mélik Hakobian, naît en 1835 dans la province perse de Salmast qui abrite une importante communauté arménienne. Il s’adonne d’abord à la poésie et publie, à partir de 1872, des œuvres en prose, reflets de la société persane. Puis il met en scène l’histoire de la nation arménienne, alors renaissante, à travers de nombreux romans historiques, dont Le Fou. Cet écrivain, qui a donné ses lettres de noblesse à la langue populaire arménienne, est l’une des grandes figures du réveil national arménien. Il meurt en 1888 à Tiflis, l’actuelle Tbilissi, où une foule considérable assiste à ses funérailles. Il est enterré au Panthéon des Arméniens.
Quelques soldats s’étaient introduits dans le jardin. On aurait dit des porcs dans un potager : ils piétinaient tout sur leur passage, saccageaient les beaux parterres de fleurs si soigneusement entretenus par les femmes, brisaient les branches des arbres, mangeaient les fruits mûrs, écrasaient les autres sous leurs talons… Khatcho en eut le coeur brisé : il avait pour ses arbres presque autant d’affection que pour ses enfants. Il se rappela un vieux dicton persan : «Quand le général vole une pomme, l’armée ravage le verger. » Le Turc est d’une telle sauvagerie qu’il ne respecte pas plus les plantes que l’espèce humaine : il dévalise sa victime puis la tue, il a anéanti les peuples placés sous sa domination comme il a détruit les forêts du pays…
_Le fou