Elle avait vu parfois comment elle essayait de la parler, la langue, mais elle n’y parvenait pas ; personne, déjà, n’y parvenait plus. S’il n’y avait pas les leçons de l’école — où on enseignait à l’oublier —, plus personne ne se souviendrait de l’existence de cette langue en ce lieu. Sa mère savait dire recony de burros et puta pixera, et quelques autres grossièretés, les dernières qu’on ait murmurées dans les ateliers ou dans les champs lorsque personne ayant force de loi ne pouvait écouter. Bernadette aussi sait dire puta pixera, et de retour chez elle, elle sait bien d’autres choses encore. Ils ne peuvent ignorer que quelqu’un qui revient de Barcelone parle la langue d’avant ; et Bernadette n’ignore pas qu’on peut s’en servir contre elle, puisqu’elle devient, brusquement, la seule du village qui la parle.
Collection Éditions Tinta blava
Bleu autour commercialise en direct les ouvrages littéraires (romans, polars) traduits du catalan qu’ont publiés de 2000 à 2009 les éditions Tinta blava fondées par Llibert Taragó, en particulier Gloire incertaine, suivi de Le vent de la nuit, de Joan Sales (traduction Bernard Lesfargues et Marie Bohigas), et Rue des Camélias, de Mercè Rodoreda.