Clermont et moi gardons nos distances. Jamais elle ne s’est avisée de m’aguicher et il ne me viendrait pas la tentation de glisser la main sous sa jupe. D’ailleurs, Clermont ne fait de gringue à personne et, quant à moi, je n’aime guère ces façons qu’ont les hommes, certains au moins, de coucher avec leur ville sous le prétexte qu’ils y vivent ou bien — ce qui relève de l’inceste — qu’ils y sont nés ; leur femme, leur mère et leurs maîtresses devraient en être jalouses. Après vingt ans de vie commune, Clermont et moi continuons de nous vouvoyer, non pas à l’aristocrate, mais à la manière, insolite et désuète, de ces vieux couples qu’on rencontre encore au fin fond des campagnes, dont on se demande comment ils font au lit mais dont on devine, à certaines intonations, à certains gestes à peine ébauchés, qu’ils doivent s’en donner et qu’ils sont, au bout du compte, probablement plus experts et malins que ces vantards libidineux, fiers d’être nés ici ou de vivre là.
Thème Auvergne